Le toit blanc ça rafraîchit Minh Ha-Duong Energie et Développement Durable Magazine 38, pp 4-5 Mettre de grandes baches blanches sur les immeubles, ou les peindre en blanc pour réfléchir les rayons du soleil? C'est évidement efficace, cela se fait déjà beaucoup dans les pays de la rive sud de la Méditerrannée. Pour la "Global Cool Cities Alliance", les villes du Nord devraient pousser cette option pour lutter contre le changement climatique. Selon nous les bénéfices locaux apparaissent plus significatifs que les bénéfices à l'échelle du climat. La France n'est pas pionnière dans ce domaine, probablement pour des raisons climatiques. Un peu de vocabulaire du batiment pour commencer. La technique du "Cool roof" peut être traduite par "Toit frais" ou "Toiture fraîche" en français. Il ne faut pas confondre avec la technique appelée "Toit froid", ni avec "Toiture froide". - Le "Toit froid", c'est quand on isole des combles perdus en déroulant de la laine (de roche, de verre...) sur le plancher du grenier. Cette technique est traditionnelle, efficace, simple et économique. - La "Toiture froide", c'est quand on isole un toit terrasse par dessous, en mettant l'isolant du même côté du béton que les habitants. C'est une technique utilisée autrefois mais plus maintenant. Non parce que les pigeons se plaignaient d'avoir froid aux pattes, mais à cause des problèmes de condensation ingérables. - Le "Toit frais", c'est quand une toiture de couleur claire diminue la surchauffe en été. Elle reste plus fraîche en plein cagnart qu'une toiture traditionnelle parce qu'elle réfléchit mieux les rayons du soleil et dissipe elle même beaucoup de chaleur par rayonnement. En termes précis, une toiture plate sera fraîche lorsqu'elle reflete plus de 70% de l'énergie solaire reçue (réflectance ou albedo > 0.7) et elle rayonnne 75% aussi efficacement qu'un corps noir (émittance thermique> 0.75). Les chiffres varient selon les normes locales, bien entendu. Les métaux nus ont une bonne réflectance mais une mauvaise émittance, c'est pourquoi les toits en aciers chauffent et sont si inconfortables en été. La membrane bitumineuse d'étanchéité "Butil" si répandue est noire et reflète donc peu l'énergie solaire. Elle souffre de dilatation thermique et cloquage si elle est mal protégé. Pour l'étanchéité des toits plats, depuis quelques années les membranes (synthétiques EPDM, PVC, TPO, ou bitume élastomère) sont plus recherchées que les revêtements en asphalte collé au chalumeau avec du gravier par dessus. On ne parle pas de bâches parce qu'elles ne sont pas amovibles, mais c'est la même chose. Ces membranes sont durables, bien étanches (c'est la technologie des liners de piscine), et pratiques à poser (on peut en acheter soudées en usine aux mesures exactes de la surface à couvrir, ou sinon souder sur place à l'air chaud, sans flamme). Bonus écologique, en fin de vie elles polluent moins que l'asphalte. Certaines de ces membranes sont de couleur claire ou blanche "haute réflexion solaire". Actuellement seul un petit nombre de fabricants en Europe proposent activement ce genre de produits, comme par exemple la membrane Soprema Soprastar lancée en juin 2011. On peut aussi trouver des peintures, par exemple la gamme Revsun de chez Zolpan. Comme souvent dans l'éco-construction, il s'agit de produits d'avant garde. Sous membranes, peintes ou enduites, les bénéfices des toitures fraîches sont de plusieurs ordres: - En limitant la surchauffe du matériau en été, la toiture fraiche prolonge sa durée de vie et donc l'étanchéité. - En absence de climatisation, la toiture fraiche augmente le confort des habitants. Par exemple dans le cadre du projet de recherche européen "Cool Roof", l'effet d'une peinture blanche réfléchissant "Soprema R'Nova" sur la température du toit d'un immeuble a été mesuré durant l'été 2011 à Poitiers. La température moyenne du toit était de 30,2 [°C] avant l'application de la peinture contre 19,8 [°C] après. Les températures maximales du toit relevées l'après midi sont passées de 70°C à 40°C. - En présence de climatisation, la toiture fraiche peut diminuer la dépense diurne d'été de 10 à 30% dans les pays d'Europe du sud. Ce bénéfice doit être comparé à l'augmentation du besoin de chauffage, puisqu'on bénéficie moins du soleil en hiver. Une calculette en ligne est disponible à cet effet: http://coolroofcouncil.eu/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=28&Itemid=85&lang=fr - Les toitures fraîches offrent aussi des bénéfices collectifs. Les villes sont plus toujours chaudes que les campagnes qui les entourent de 1 à 2°C, à cause des effets thermiques des constructions. Une utilisation massive des toitures fraîches réduit cet effet d'îlot urbain, ce qui atténue l'effet des vagues de chaleur pour les citadins. - En ce qui concerne le climat, le potentiel semble plutôt limité. Akbari et al. (2003) ont estimé que généraliser les toitures et les revêtements de rues fraiches dans le monde pourrait permettre d'augmenter l'albedo des surfaces urbaines de 0.1 en moyenne. Puis S. Menon, H. Akbari, S. Mahanama et al. (2009) ont calculé cela augmenterait l'albedo planétaire de 0,003 et cela diminuerait directement le réchauffement mondial de 0,008°C. Ce chiffre n'inclut pas la diminution des émissions de CO2 liées au réduction du besoin de climatisation. Aujourd'hui il n'y a pas réglementation ni de politique européenne spécifique sur les toitures fraîches. La situation est plus avancée aux USA, par exemple la notion est intégrée au code de la construction californien. La ville de Chicago offre jusqu'à 1500 dollars de crédits d'impot pour les particuliers qui choisissent cette option. Chez nous cette technologie est surtout prise en compte à l'échelle des projets d'écoquartiers. Les subventions existantes visent plutôt les toitures végétaliséees que les toitures à haute réflexivité. Cela semble plus logique pour un climat tempéré et arrosé.